SR, septembre 2001 - rafraîchi en mars 2008
J'ai pigé pour Libération, rubriques culture et communication, et j'en suis parti furieux après avoir affiché sur tous les murs de la rédaction un dazibao vengeur ridiculisant le chef de rubrique Abert, qui pratiquait sans vergogne la censure à la petite semaine au plein moment de
J'ai été critique de théâtre, de danse et même d'architecture, au moment des grands travaux du fameux président socialiste qui faisait des grands travaux. A
J'ai enseigné la photographie, le théâtre et la morale à des jeunes délinquants, créé au début des années 80 un centre de formation pour public défavorisé dans un quartier chaud avec un curé défroqué qui en a gardé la direction pendant dix ans sans jamais mentionner ni peut-être même mesurer ce qu'il me devait rien, et cela bien que nous fussions restés bons amis.
J'ai été directeur de la communication pour
J'ai enseigné le Français, l'histoire et la géographie à des élèves de collège qui ne voulaient pas l'apprendre, et envoyé une lettre d'insultes argumentées et motivées de quatre pages à l'inspecteur départemental que j'avais naïvement appelé à l'aide et qui n'avait trouvé comme réponse à mes questions qu'une notation administrative médiocre.
J'ai donné des cours de publicité à l'Université, des cours de technique du scénario à des étudiants ingénieurs des Travaux Publics de l'Etat, j'ai par une
J'ai été chef du Cabinet d'un élu régional délégué au tourisme et au sport, réalisateur, scénariste, nègre attitré d'une dizaine d'hommes politiques dont certains ont été, sont ou seront ministres de la République. J'ai été élu dans une petite commune où, nommé adjoint et haineusement calomnié 6 ans durant par ceux que j'avais détrônés, j'ai pu mesurer l'inertie congénitale de la démocratie, le scandale de la mascarade républico-médiatique, et la nécessité absolue dans laquelle sont les politiques qui veulent durer de ne rien faire de profond, absolument de ne rien faire, d'attendre en souriant beaucoup et en faisant croire le plus possible qu'on a réalisé les bonnes choses faites par d'autres. J'ai naturellement été viré de mes fonctions électives dès la mandature suivante, haine, bêtise et amnésie s'alimentant au même fétide abreuvoir.
J'ai filmé la réhabilitation magistrale d'un hôtel des Chevaliers de l'Arquebuse, été mannequin pour des produits de grande distribution, exposé des photographies, tourné un film avec Haroun Tazieff, remporté le premier prix d'un concours national de rédaction publicitaire.
J'ai monté et co-dirigé un centre de formation aux métiers du sport, dont mes jeunes associés, ceux-là même qui m'avaient prié de me joindre à eux parce que "tu as de la bouteille et des réseaux", m'ont remercié quand ils ont trouvé que ma bouteille avait assez rempli leurs verres et mes réseaux leur carnet d'adresse.
J'ai écrit un film sur Le Cyclope de Jean Tinguely, qui avait reçu la bénédiction du Maître, qui acceptait même d'y jouer le rôle d'un guide avec sa casquette, mais Jean Tinguely est mort, la boîte de production du film a empoché les 50 000 francs de subvention que j'avais été chercher à la Direction des Arts Plastiques sur mon scénario sans même me rembourser mon déplacement, alors j'ai écrit un autre film sur Le Cyclope où Alain Cuny en coryphée acceptait de remplacer Jean Tinguely en guide, mais Niki de Saint-Phalle et Pontus Hulten se sont opposés à la réalisation du film et Alain Cuny, pour lequel j'avais adapté entre-temps un autre scénario (un chapitre extrait des Misérables), Alain Cuny que j'aimais passionnément est mort aussi.
J'ai reçu une lettre de Léo Hamon, me félicitant pour un pamphlet qui prônait la révolution dans un mensuel monarchiste.
J'ai animé une émission de télévision destinée aux enseignants du primaire, dont les syndicats enseignants m'ont fait lourder parce que j'avais dit à l'antenne qu'en général c'était pas la musique qu'on enseignait le mieux à l'école.
J'ai écrit, bavardé, déjeuné, diné, projeté, dansé, nagé, couché, travaillé ou joué aux boules avec Tzvetan Todorov, Umberto Eco, Roland Barthes, Yves Bonnefoy, Régis Debray, Alexandre Zinoviev, Marc-Édouard Nabe, Catherine Kerbrat-Orecchioni, Jean-Noël Dumont, Francis Marmande, Anna Pavoni, Charles Millon, Pharoah Sanders, Samuel Fuller, Aimé Maeght, Alain Pouillet, Robert Combas, Alain Mayoud, Joël Gourgand, Georges Lavaudant, Philippe Morier-Genoud, Christophe Feutrier, Philippe Vincent, Jean-Laurent Poli, Jean-Louis Remilleux, Raphaël de Gubernatis, Hélène Zadounaiski, Bruno Bonnetain, Jean-Edern Hallier, Frédérique Prébet, Olivier Véron, Alain Jeune, Nathalie Veuillet, Philippe Favier, Bato, Luidgi Gorry, Jacques Bigand, Alain Turgeon, Denis Trouxe, Jacques Weber, Pierre Jacquemon, Éric Villeneuve, Patrick Ravella, Patrick Dubost, Claude Seyve, Robert Fortune, Jean-François Stévenin, Valérie Seydoux, Emmanuel Depoix, Luc Perez, Pierre Restany, Maria Casarès, Samuel Petit, Jean-Louis Cassarino, Laurent James, Jean-Pierre Brice Olivier, Renaud Escande, Jean-Louis Costes, Franca Maï, Didier Delaine, Frédérick Houdaer, Juan Asensio, et plaise à Dieu que je raconte un jour pourquoi je m'arrête à ceux-là, faut-il que je les ai aimés et les autres, Sylvie, Alain, Guy, Barbara, Marie, Sarah, Margherita (ah! Margherita), Jean-Jacques, Daniel, Jean-Pierre, Bernard, François, Gilles, Laurie, Emmanuelle, Raymond, tous les autres, tous mes amis d'à côté ou de passage qui auraient fait de ma vie un roman pour la frime ou quelque chose qu'il eût fallu être Blaise Cendrars pour bien raconter, les ambiances, les regards perdus, les hasards, les moments sans importance du monde.
Le monde, j'aime le regarder infiniment, et l'attendre. Il est clair à présent que lui ne m'attend pas, et je n'en éprouve aucune frustration ni amertume. Seul mon cœur qui vieillit inquiète un peu mon âme.