réunion de chantier à Moscou

postface navrante à Octobre russe

jeudi 13/12/2001 : texte "définitif" mailé à Olivier Véron, l'éditeur de Crafouilli. Joint peu après au téléphone, il me promet de lire au plus vite, et suggère que j'envoie aussi à Paul Otchakovsky-Laurens, compte tenu des délais assez longs de celui-ci à répondre.

18/12/2001 : Olivier m'appelle : il refuse la publication, a détesté, trouve l'ambiance du livre déprimante, je ne devrais même pas chercher à publier ça, il vaut mieux le brûler et passer à autre chose, la langue est vulgaire, ce que j'évoque de son message reçu là-bas est une trahison (?)...
P.O.L. répond à mon mail d'avertissement qu'il ne peut s'engager sur des délais de lecture, tout en me remerciant de penser une nouvelle fois à lui pour une édition.

26/12/2001 : envoyé manuscrit aux éditions POL.

jeudi 3 janvier 2002 : Olivier rappelle pour savoir où j'en suis de ma recherche d'éditeur et me proposer la publication de morceaux choisis d'Octobre russe dans sa revue (!)

14/1/2002 : 1 exemplaire papier donné en lecture à Alain Turgeon.

16/1/2002 : 1 exemplaire papier envoyé aux éditions du Rocher.

26/1/2002 : 1 exemplaire papier envoyé à Anne Coldefy.

29/1/2002 : envoyé par mail à Jean-Laurent Poli, qui m'appelait pour me re-féliciter de Crafouilli après une seconde lecture qu'il venait d'achever.

30/1/2002 : un exemplaire papier envoyé à Christian Giudicelli, sur recommandation de J-L Poli.

1/2/2002 : Jean-Laurent me rappelle suite à sa lecture : il est enthousiaste, trouve que je suis en train de construire une œuvre importante, pense que le manuscrit est tout à fait proposable à de grands éditeurs. Il parle de Céline, Dard et Valéry Larbaud ! (si tous mes lecteurs étaient comme lui !) Il a rappelé Giudicelli pour s'assurer qu'il lise et, avant d'avoir lu, Giudicelli lui a demandé si j'envisageais de soumettre le bouquin chez Gallimard, il pourrait assurer qu'il y soit lu. Ai dit à Jean-Laurent que je préfère que Giudicelli lise d'abord et voit ce qu'il en pense, y a pas le feu pour Gallimard, je redoute trop ces recommandations aimables, mais paresseuses, pour vouloir qu'on en joue.

12/2/2002 : reçu at home, Alain Turgeon m'a préparé une lecture annotée. Impression d'ensemble plus que favorable, de nombreux passages marqués d'un "+", fanatique de mes notes de bas de pages. Côté stratégie éditoriale, me conseille cependant une plus grande discrétion sur ma détestation des DRAC et autres institutions, qui alourdit le propos et fait provincial + réduire le nombre de personnages (???), je devrais penser plus "roman" + mouiller davantage mon slip. Après discussion, je crois m'apercevoir qu'Alain a beaucoup de peine à comprendre que dans ce livre je ne joue pas de l'écriture pour paraître, ce qu'il semble me reprocher étant de ne pas assez me "vanter" de ressentis qui rendraient le lecteur plus proche de "moi". Pour ce qui est des éditeurs qu'il connaît, il doute que j'aie quelque chance de réussite auprès de La Fosse aux Ours, pense que La Passe du Vent est plus jouable ; mais je crois comprendre que, timidité ou manque de courage, il ne fera rien d'aucun côté. Il promet cependant de me proposer des contacts d'éditeurs, insistant sur le fait qu'Octobre russe lui paraît nécessairement publiable.
Soirée plutôt sympathique, mais dans laquelle je le vois à l'évidence se retenir, ne pas se lâcher. Il nous apprend aux alentours de 23 heures que Télérama publie demain un article de trois pages sur lui, et que Libé lui a consacré une page entière le 20 janvier dernier. L'un explique-t-il l'autre ?… Même sa quête inquiète/admirative d'informations sur "comment fais-tu pour exister malgré toutes tes malchances?" reste évanescente. Il n'arrive pas à écrire depuis au moins huit mois, me dit-il : je le rassure comme je peux en lui souhaitant ouvertement qu'il ne s'en remette pas si facilement, la condition de l'écrivain étant à ce prix, il me semble. Ça le rassure moyen. Il préfère enchaîner en parlant fric, puis de son irréductible talent (se lâcherait-il enfin ? – Non, il nous quitte en s'excusant auprès de moi de son envolée à son sujet).

19/2/2002 : je réédite un tapuscrit d'Octobre russe intégrant toutes corrections et certains petits remaniements suite aux remarques de Turgeon, et détruis trois exemplaires d'anciennes versions.

12/3/2002 : après un mois sans nouvelles, je relance Turgeon par mail à propos des suggestions d'éditeurs promises.

14/3/2002 : envoi d'un tapuscrit à Claude Burgelin, pour avis et conseils sur des éditeurs à cibler.

18/3/2002 : Turgeon me dit qu'il à vanté mon livre à Pierre-Jean Balzan (La Fosse aux Ours), et que PJB l'attend. Je l'envoie donc à l'éditeur lyonnais.
Olivier Véron m'appelle pour me demander où c'en est des réponses... Se reprocherait-il quelque chose ? Non, il tient à me mettre en garde vis-à-vis de la tentation nabienne du journal intime public, et redoute aussi pour moi le projet de site Internet dont je lui ai parlé. Pour l'agacer, je lui dis d'un ton badin que je ne courrai jamais le risque de confondre aucune rancœur à la littérature (il me parlait de Rémi Soulié et de Juan Asensio qui, d'après lui, s'enferrent dans l'auto-complaisance sur leur site respectif, où ils publient des tas de lettres et de conversations privées avec des pseudo célébrités), mais qu'en revanche je pourrais bien me réserver quelquefois le plaisir de m'en prendre à quelque éditeur, ou toute relation faux-cul que j'aurais insultée autrefois par simple courrier privé. Je sens Olivier s'énerver à cette perspective, comme s'il craignait quelque chose (quoi?) de ma part. Il me parle de droit, de possibles poursuites d'auteurs de courriers vis-à-vis de qui les rend publics... Puis, devant ma sérénité à ne pas relever les sous-entendus de ses craintes, et après un plaidoyer en bonne et due forme auquel je me livre pour le champ créatif ouvert par Internet... il finit par me demander l'adresse du type qui va mettre en forme mon futur site !

28/3/2002 : je reçois un courrier de Philippe Demanet, secrétaire littéraire chez Gallimard, m'informant de leur refus de publication en dépit de l'intromission par Giudicelli du manuscrit chez eux. Ce fainéant dont j'espérais une réaction directe s'est ainsi contenté de balancer mon bouquin en lecture, ce que je redoutais par-dessus tout. Pourvu qu'il ne se mêle de rien au Rocher, où Jean-Laurent m'a dit qu'il œuvrait aussi !
J'appelle Thierry Renard (La Passe du Vent), qui me dit qu'il attend mon manuscrit.

29/3/2002 : j'envoie Octobre russe à Thierry Renard.

30/3/2002 : je reçois un courrier (daté du 25/3) des éditions POL, m'informant de leur refus de publication : sans doute votre démarche est-elle trop éloignée de nos préoccupations, de nos options ... sans doute.

25/4/2002 : croisé Claude Burgelin en allant défendre un dossier à la Villa Gillet. Il a bien reçu Octobre russe (me l'avait dit par tél il y a trois semaines environ). Il me prépare un avis détaillé, mais en gros je comprends qu'il est plutôt épaté par l'écriture, trouve mes "scènes de rues" formidables (il semble avoir goûté particulièrement l'histoire du taxi) mais (évidemment) est beaucoup plus réservé sur les passages idéologiques, qui vieilliront vite et que (je) devrais élaguer, même si je lui fais remarquer que les deux types de récit sont d'un seul et même homme qui, peut-être, ne sait mettre tant de relief aux "scènes remarquables" que d'avoir besoin d'écrire aussi le reste... M'ouvrira-t-il, si ce n'est des portes, du moins son carnet d'adresses et de ses intuitions stratégiques en matière d'édition ?

26/4/2002 : je reçois un courrier des éditions du Rocher m'informant de leur refus de publication. Je n'en saurai pas plus, car les notes de lecture étant strictement confidentielles ne peuvent être communiquées aux auteurs. Les auteurs sont pourtant les premiers concernés. Malgré son ton très conventionnel, ce courrier contient aussi des préventions qui me paraissent inaccoutumées et m'incitent à répondre. On verra. Et puis, il me vient l'idée qu'il pourrait être intéressant de publier un de ces jours l'intégralité de ce journal sur mon site Internet, quand j'en aurai un.

23/5/2002 : je laisse un message sur le répondeur d'Anne Coldefy, dont je n'ai aucune nouvelle depuis 4 mois qu'elle doit avoir reçu mon tapuscrit.
Je n'ai pas écrit au Rocher, à quoi ç'aurait bien pu servir, si ce n'est à barrer mieux la route d'un prochain manuscrit ? Je renonce peu à peu à l'idée d'une publication d'Octobre russe, la seule pensée d'avoir à essayer de convaincre quelque éditeur que ce soit me submerge d'ennui. Pourtant, quelques lecteurs amis me poussent à insister, mais il m'est de plus en plus évident que ce livre est à peu près impubliable, aucun éditeur ne pouvant prendre le risque aujourd'hui de sortir de l'ombre un écrivain dont la révolte n'est pas de pacotille. Car, je le sais bien, mes quelques petites tirades anti-establishment, toutes rebattues, provinciales et datées qu'elles soient, bousillent, dans l'évidence de leur naïveté, les aimables convenances du milieu. Descriptions ni quolibets ne sont d'aucun registre de la complaisance, et c'est bien fâcheux pour être édité aujourd'hui, plus que jamais sans doute (et bien moins que demain…). Et puis il y a cette religiosité qui suinte de mes phrases. On préfère se gargariser de la désespérance bon teint de tous les défroqués du gauchisme qui inondent les médias de leur causticité désabusée mais tant connivente, de leur auto-proclamée "subversion" – hier, une émission TV effarante faisait pérorer le présentateur Giesbert et le théâtreux Ribes autour de saint Djian le rebelle de ces dames pour son xième débilitant navet, et du pauvre Derrida, qui essayait de faire le penseur en écumant d'enthousiasme la crème de flagorneries platissimes que déversait sur lui le chorus énamouré de son aréopage. Le drame, c'est que de tous ceux qui dessinent les contours du "culturel", on se sent malgré tout plus proche de ceux-là, tout au moins dans certaines références, et dans l'inquiétude originelle. Mais le système média, l'argent et la doxa ont tellement lissé l'énonciation de toute pensée, et la simple présence de cette dernière à l'intérieur des canaux de ce triple système l'en rend tellement complice qu'il devient impossible de s'y reconnaître, et même impérativement nécessaire de refuser de s'y reconnaître – et même de s'en faire seulement connaître.
Heureusement, une panne d'émetteur a coupé l'émission avant que je m'énerve trop, et j'ai repris tranquillement la lecture d'un Bernanos qui traînait.
Ayant envie de reprendre langue avec Nabe, je maile au Rocher une demande de ses nouvelles coordonnées. Je lui enverrai peut-être Octobre russe. Des fois qu'il soit animé de quelque charité à mon égard, en souvenir de ce qu'il n'a pas fait pour moi au moment de Crafouilli.

31/5/2002 : fatigué, lassé, déprimé, ulcéré, usé, mécontent des autres et mécontent de moi. Rien à propos d'Octobre russe ; mais le problème n'est pas (que) là. Les couches d'insuccès que j'empile les unes après les autres, dans quelque domaine que ce soit de mon activité fébrile, auraient plutôt de quoi contenter mon joyeux pessimisme chrétien, si j'étais certain d'une seule de mes prières. Mes enfants peut-être ? – ces regards fuyants qui font mon quotidien, aujourd'hui encore je les ai croisés vingt fois : Claude Burgelin, qui ne m'a toujours pas envoyé sa lettre ; son épouse, dont les yeux disaient l'embarras de m'avoir reconnu et salué ; Cathy Bouvard, une journaliste paumée qui m'évite par et depuis Crafouilli ; Guy V., un boy-scout ironiste qui ne me dit rien qu'on sent ; Caroline, une vieille copine qui n'a rien à voir avec l'écriture mais dont la respiration en moi la dégoûte ; et tout un tas, que je m'épuise à aimer quelquefois. Et tous dans des cénacles où je m'ennuie tellement ! Anne Coldefy n'a même pas cherché à me joindre. Michel Deguy, que j'avais relancé par écrit suite à mon envoi promis (et gratuit) de Crafouilli en janvier dernier, m'a répondu (je cite de mémoire, ayant bêtement balancé sa lettre aux ordures qu'elle méritait - pour ne pas me déprimer, croyais-je) qu'il me remerciait mais effectivement ça ne m'intéresse pas ; ne m'envoyez surtout pas votre livre sur la Russie. Nous nous reverrons peut-être.
Qui travaille aussi bien contre moi ? Est-ce le temps (j'en doute encore) ? Ou les hommes, certains, tous ? L'ignoble Francis M. pourrait bien être derrière cette nouvelle haine, à moins que Deguy le preux ne se soit effarouché de l'article dithyrambique incroyablement (et malheureusement, pour toute la clique de bien-pensants qui trône sur la littérature du moment) pondu sur Crafouilli par Antoine Clapas dans L'Action Française, ou pire, par l'entrefilet laudatif commis à l'époque par D'Estienne D'Orves dans le Figaro Littéraire ? Et puis est-ce seulement la littérature du moment que ces poussahs culturels enfument ? Seule éclaircie dans cette purée de spleen, Nabe m'a fait envoyer immédiatement ses nouvelles coordonnées par les éditions du Rocher. Mais je ne sais pas quoi lui écrire...

4/6/2002 : je réimprime 5 tapuscrits, pour pouvoir faire un peu circuler le texte. L'édition à compte d'auteur, finalement, y a que ça de vrai. Ah oui ! j'allais oublier : Frédérique a croisé Balzan, l'autre soir, après que je sois parti de cette délicieuse soirée pour écrire le paragraphe précédent... Il est, paraît-il, charmant, il a même dit à Fred qu'il était tout à fait débordé, et qu'Octobre russe se trouvait dans la pile de manuscrits sur son bureau. Heureusement qu'il l'attendait !

13/6/2002 : réception d'une page à moi consacrée, dans Bloc Notes, le mensuel d'assez bonne qualité de la MAPRA (un truc d'artistes plasticiens). Je le mentionne ici parce que dans les réponses que j'avais faites à mon interviewer et ami Patrick Ravella, il y a quelque chose sur Octobre russe que j'aime bien. Et puis, c'est pas si souvent qu'un article parle d'un livre qui n'a pas d'éditeur. J'ai même poussé jusqu'à faire adjoindre à cette interview le prologue de la Chair, roman dont je n'ai pas encore écrit la moitié et dont je ne sais pas si ce prologue sera maintenu !

26/6/2002 : Simon Marozzi m'appelle, il vient avec Nathalie Veuillet de lire Octobre Russe, prêté par Claire Pétrouchine (ils sont tous à Paris). Apparemment, deux passages l'ont choqué : notre discussion à l'hôtel, dont il a retenu que je médisais des capacités de son cerveau, et le passage sur l'intimité, toujours à l'hôtel avec lui. Pour le reste, il trouve ça très intéressant, mais se demande qui ça pourrait intéresser d'autre que ceux qui ont vécu ce voyage. Il dit aussi c'est plutôt marrant et bien ficelé. Je ne sais rien de ce qu'ont pensé Nathalie ni Claire de leur lecture.

1/7/2002 : Olivier Véron m'appelle pour me proposer de publier 3 extraits d'Octobre russe dans le prochain numéro de sa revue !
Fasciné par son audace, et après une heure de réflexion, j'accepte en dépit du risque de voir mon nom à nouveau associé à cette revue dont deux numéros récents m'ont écœuré par leur sionisme va-t'en guerre. Olivier, n'arrêtant jamais son amical culot à la moitié du chemin, me rappelle en fin d'après-midi pour me lire un chapô insultant et sioniste (!) qu'il a fait à mes extraits : finalement, il accepte presque de bonne grâce de faire disparaître le côté insultant, et je prends avec humour la ridicule mise en abym sioniste.
Je laisse un message de relance sur le répondeur de Thierry Renard.

10/7/2002 : je reçois une douzaine d'exemplaires du dernier numéro de la revue les provinciales, avec mes extraits. Véron n'en a publié que deux au lieu de trois, au prétexte, m'a-t-il dit, que comme d'habitude, (il s'est) étendu dans son édito. Il a comme par hasard supprimé le seul passage qui aurait pu se raccrocher un peu au thème du numéro, celui avec les tziganes de la gare de Kiev intitulé tu es riche monsieur. Il a aussi sucré les dates et l'intertitre du passage avec les flics, et n'a pas pris la peine de faire précéder les extraits des (...) de rigueur quand on coupe un texte. En plus, son ordinateur qui n'a pas les caractères cyrilliques a transformé le théâtre Человек en un absurde Wejmbei. Pour moi, c'est bel et bien un coup d'épée dans l'eau, mais pour lui ? Pourquoi tenait-il absolument à me faire figurer dans ce numéro ?

11/7/2002 : courrier à Nabe, accompagné d'Octobre russe, de ce journal jusqu'à hier, d'une copie de l'article de Bloc Notes, et du n° des provinciales.

18/7/2002 : Octobre russe mailé à Didier Dematons, réalisateur grand reporter et ami, à qui je l'avais promis lors d'une récente soirée.
Appelé Anne Coldefy, charmante, à la campagne. Elle s'excuse de ne m'avoir pas contacté, mais n'a pas encore eu le temps de lire mon manuscrit qui est dans le dessus de la pile qu'elle a emportée. Elle me jure de me rappeler après l'été. Et moi, je pense qu'elle ne voudra pas publier, mais c'est tout de même agréable qu'elle m'ait immédiatement reconnu.

19/9/2002 : aucune nouvelle bien sûr d'Anne Coldefy, mais ce n'est pas la seule à m'ignorer : tous mes envois à éditeurs sont restés sans réponse depuis deux mois, Nabe n'a pas répondu non plus, ni même accusé réception, comme à son habitude. Je n'ai pas revu Didier Dematons.

10/10/2002 : mail de relance à Thierry Renard.

15/10/2002 : mail réponse de Thierry Renard : mon bouquin est chez son boss, lui-même ne l'a encore pas lu, il me remercie de (le) rappeler à l'ordre.

1/11/2002 : appel de Jean-Laurent Poli, exalté par l'écriture en cours d'un roman. Il a beaucoup pensé à Octobre russe ces derniers temps, à cause de l'actualité (séquestration par des tchétchènes de 700 personnes dans un théâtre moscovite, puis libération-massacre par l'armée de Poutine) : il voit dans mon récit une vraie prémonition de ce qui vient d'arriver, Moscou, le milieu théâtral, octobre, le côté délétère de l'ambiance que je décrivais il y a un an... J'avoue que je n'avais pas fait le rapprochement, mais pourquoi pas. Ç'aurait pu être un bon argument publicitaire pour mon livre, si quelqu'un l'avait édité.

4/11/2002 : je re-re-re-relance Renard (par mail), puis Anne Coldefy, à qui je laisse un message sur son mobile.

1/12/2002 : je maile Octobre russe à Christophe Feutrier

15/12/2002 : mail de Christophe , heureux de sa lecture, fan du passage sur Gatov. Envisage d'en parler à son éditeur (je l'encourage par réponse immédiate), et me conseille quelques petits correctifs utiles.

mardi 28 janvier 2003 : lors d'un dîner à la maison, Catherine P-C évoque sa lecture en cours : ça la balade bien", elle trouve ça très vivant, souvent drôle, et très précis dans l'intime. En l'écoutant, je réalise mieux combien ce livre a peu de chance d'être publié pour lui-même, mais combien il gardera intacte sa valeur de témoignage à travers les années, et je me rassure à moitié en me disant que toutes les histoires que j'y ai enfouies ressurgiront inévitablement lorsque j'aurais écrit (si j'y parviens) quelques autres livres de "vraie" littérature… c'est à dire des romans.

29/1/2003 : le magazine Lyon Capitale publie un papier d'humeur que j'ai écrit à la suite d'une discussion avec l'ancien adjoint à la culture de Lyon, Denis Trouxe, et à sa demande. Je profite de cet espace de libre expression publique pour me livrer à une petite vengeance amusante à l'encontre de Balzan, en annonçant en note de bas de page que La Fosse aux Ours a programmé la parution d'Octobre russe. Les journalistes, évidemment, n'ont pas vérifié cette fausse information, et je me dis qu'il doit être décidément bien facile d'alimenter toute sorte de ragots bien plus graves, aux conséquences matérielles ou pécuniaires réjouissantes, quand les hasards des coteries médiatiques vous offrent une tribune quasi-permanente. On peut même, sans doute, y programmer son destin... C'est assez peu probable, mais il m'amuserait fort que ma petite intox remonte jusqu'à Balzan, voir s'il réagit mieux à la médiature qu'à l'écriture.

31/1/2003 : je reçois un mail de Didier Dematons : page 79 ou environ j'en suis... Voilà donc j'ai attaqué et je m'y tiens régulièrement tous les jours, comme si je lisais un roman. Critique littéraire je ne suis, mais j'apprécie cette lecture drôle, intéressante, divertissante, exotique et troulàlà. On aimerait bien un peu plus de sexe, mais on comprend que tu ne peux raconter toutes les salaceries que tu as effectuées avec la belle Anne, la mystérieuse Claire et les putes de l'Intourist.

28/2/2003 : vu Nabe à la Fnac Bellecour, où il venait présenter son dernier "roman" – À l'issue de la cérémonie, sommes allés boire un coup avec quelques émules. Octobre russe serait le meilleur de ce qu'il a lu de moi... Il n'est cependant pas allé jusqu'à me proposer de le soutenir au Rocher ni ailleurs... Mais c'est sans doute une marque de reconnaissance puisque, en présence d'une mignonne joueuse de caméra (Lætitia Martin) qui le suivait partout, il a aussi affirmé haut et fort être de plus en plus persuadé que publier n'avait aucune importance (sic).

1/3/2003 : prêté un exemplaire à Jean-Pierre Jouvray, fromager et néanmoins lecteur aussi érudit et pointilleux qu'insatiable.

26/3/2003 : je lis les remarques et corrections que Jouvray m'a remises hier en même temps qu'il me rendait l'exemplaire prêté. Il a peu commenté sa lecture hormis ça et quelques remarques sur l'éditabilité (c'est typiquement le genre de bouquins qu'on édite tard dans la carrière d'un écrivain, en disant que c'est incroyable qu'il ait aussi écrit ça sans que personne n'y prête attention à l'époque) et l'aisance du style (merci Jean-Pierre). Ayant enfin trouvé le lecteur idéal, celui qui suscite à nouveau l'écriture, je me fends d'un long mail de commentaires, en continuité au dialogue tous azimuts et tout support qui s'est instauré entre nous depuis deux ans.
Evidemment, je corrige ensuite le manuscrit des vraies fautes qui subsistent, y intégrant aussi les remarques faites par Christophe Feutrier.

11/5/2003 : sur mon site Internet tout neuf j’ouvre une rubrique consacrée à Octobre russe, où je mettrai d'ici peu en ligne ce journal postface.

10/7/2003 : suite à un emailing de pub pour mon site, je reçois un mail des éditions Zulma qui m'invitent à envoyer mes inédits.

1/9/2003 : j'envoie le tapuscrit à Zulma et à Catherine Kerbrat-Orecchioni à qui je l'avais promis.

jeudi 8 janvier 2004 : mail de Catherine Kerbrat qui s'excuse de m'envoyer tout refroidi un message qu'elle a rédigé depuis belle lurette mais oublié dans sa boîte d'envoi. Octobre russe a fait faire un détour fort plaisant à ses souvenirs. Sa longue réponse en fait de même aux miens.

17/1/2004 : je relance les éditions Zulma, mais n'ai décidément plus du tout la tête à la publication d'Octobre russe. Je me suis remis à travailler sur le manuscrit de La Chair, laissé en panne au printemps dernier parce que je ne voulais pas du chemin qui se profilait pour rejoindre sa fin. La trentaine de pages qu'il me reste à écrire pour achever ce roman me préoccupe infiniment plus que ne saura jamais le faire un problème d'édition.

18/2/2004 : un courrier-type de Zulma m'informe de leur refus de publication. Rien d'étonnant à aucun refus d'éditeur. Mais ce qui l'est un peu dans ce cas précis, c'est la manière : ils m'envoient un mail alors que je ne leur demandais rien, promettent une réponse sous deux mois et se contentent finalement d'une réponse-type au bout six ! Evidemment, le manuscrit qu'ils ont sollicité n'est pas retourné.

5/11/2004 : ayant lu ce journal sur mon site Internet, Juan Asensio me conseille d'envoyer de sa part un exemplaire du livre à Matthieu Baumier, des toutes jeunes éditions A Contrario. Pourquoi pas ? Sachant que mon vieux copain Didier Bazy travaille avec Baumier, je lui conte par mail les méandres qui m'amènent à lui, et sollicite sa lecture et son avis sur les extraits publiés sur mon site.

9/11/2004 : aucune réponse de Bazy. J'envoie un mail à Matthieu Baumier lui proposant un tour sur mon site Internet.

17/11/2004 : réponse très civile de Matthieu Baumier, qui me demande de lui envoyer mon manuscrit pour une lecture attentive à condition de n'être pas pressé.
Contraint de réimprimer un exemplaire, je décide de toiletter le texte, dont certaines scories plus ou moins volontairement laissées à l'époque de l'écriture, par respect du projet d'être le plus près possible de mes ressentis, m'exaspèrent de plus en plus. Tant pis pour l'honnêteté : de n'être pas parue au rythme de l'actualité, ni la mienne, ni celle de l'époque, ma chronique est contrainte de se muer en véritable récit s'il faut lui donner quelque chance d'être un jour livre.

15/12/2004 : la relecture entamée il y a un mois n'est toujours pas terminée. Pas repris contact avec Baumier, et je me demande si ça vaut la peine de le déranger. Il faudrait ne pouvoir garder que les beaux passages, mais c'est impossible sans les déprimer eux-mêmes. Le début, en particulier, après la préface et la description du voyage en bus, est à peu près sans intérêt autre que celui de planter le décor pour la suite : 20 pages environ qu'on voudrait arracher, mais qui sont indispensables !

17/12/2004 : il y a environ un mois, Franca Maï m'avait poussé à essayer de faire référencer mon site sur le Webauteur. Je reçois ce soir le billet de présentation qu'a rédigé une certaine Aline Elorn, qui encense mon écriture et conclut par une invitation à la publication d'Octobre russe par un éditeur s'il en reste. Depuis Jean-Laurent Poli et Jean-Pierre Jouvray, je n'ai rencontré aucun lecteur qui paraisse aussi bien comprendre ce que j'écris ni autant l'aimer. Je prends immédiatement contact avec Aline Elorn pour la remercier, elle qui n'a lu d'Octobre que les quelques bonnes feuilles que j'ai mises en ligne. En deux mails il se confirme qu'elle me veut le plus grand bien, allant même jusqu'à envisager de démarcher pour moi des éditeurs ! Quoi qu'il advienne de cette proposition, ça me persuade de finir mes corrections et d'envoyer le texte à Baumier.

21/12/2004 : posté ce matin le livre aux éditions A Contrario, à l'intention de Matthieu Baumier. Pour quelle raison le publierait-il ?

vendredi 18 mars 2005 : je suis fatigué. Matthieu Baumier m'a répondu il y a environ un mois, un courrier aimable et pourtant peu intelligible, où il dit avoir lu et approuvé ma vision d'Octobre, mais ne pouvoir malheureusement (s)'engager pour conduire ce texte en librairie. Hier soir à la télé j'apprends que le salon du livre est placé cette année sous le signe de la Russie. Je l'ignorais, j'ignore à peu près tout des mondanités, mais Baumier, lui, le savait. Il a pourtant choisi de ne pas publier Octobre rouge, alors que ce bouquin, tout idiolectal qu'il soit, et bien sûr sans intérêt pour aucune actualité critique, aurait pu néanmoins bénéficier d'autant de pub à l'occasion de ce salon que toute celle qui se déverse sur les médiocres ou moins médiocres auteurs de l'Est invités, et expliquer qui plus est, en partie, le mutisme auquel ils se condamnent sous Poutine, et auquel ils se condamneront encore sous son successeur, comme leurs prédécesseurs médiocres ou moins médiocres se sont bâillonnés sous cinq générations de dirigeants russo-soviétiques.

Jeudi 26 janvier 2006 : je mets en ligne en .pdf l'intégral d'Octobre russe, que je considère donc libre pour la copie privée. Si d'aventure un éditeur venait à s'y intéresser maintenant, eh bien ! il faudra qu'il fasse avec.

28/1/2006 : mail cordial d'une certaine Marie-Catherine Glaser, envoyé de Riga : (…) Je dois donc vous remercier pour ce moment de pur plaisir ressenti à la lecture de quelques pages qui parlent de mon époque russe dont je reste si nostalgique. J'avoue avoir eu quelques fous rires (Dieu me pardonne parce que je vous ai trouvé bien sévère et moqueur à plusieurs reprises) en lisant certains passages faisant allusion à des gens bien connus dont je suis toujours proche, de près ou de loin. C'est la "nana" qui était venue s'enquérir de Bozena le soir du pince-fesses à Jospin, que je raconte en fin de chapitre 7. Par une suite invraisemblable de coïncidences, elle est tombée sur mon site et a lu l'intégral d'Octobre russe, mis avant-hier en ligne. Décidément, Internet vaut tous les éditeurs du monde, au moins pour ce qui est de la rapidité et de l'ampleur géographique de diffusion. Ne faut pas s'étonner que ça leur crée des soucis, cette liberté des échanges et de l'offre qui leur échappe !

14/8/2006 : mail de Nilda Fernandez, terriblement blessé par le portrait physique que j'ai fait de lui et se voulant en retour très insultant à mon endroit. Je lui fais la réponse sobre qui me paraît de mise, n'ayant jamais voulu l'offenser - réponse sobre mais un peu acide aussi, parce que je trouve sa volonté de blesser très imbécile, quand il paraît évident, à la relecture du texte qu'il incrimine, que ma gouaille ne s'appliquait qu'à sa vêture et pas du tout à sa personne, que j'avais trouvée très sympathique.

Vendredi 19 janvier 2007 : je reçois des éditions l'Ours Blanc, rencontrées il y a quelques semaines au Salon du livre de Grigny, un mail signé Lucien Nosloj me signalant qu'Octobre russe (récupéré en .pdf sur mon site) est actuellement en lecture, promesse de réponse d'ici 4 mois.

21/2/2007 : d'un certain Philippe Durel, qui gère un gros site Internet russophile intitulé "Moscoupolis.com, la cyber-ville franco-russe", ce mail : J'ai découvert votre site par hasard et je serais heureux de publier vos textes concernant la Russie sur mon site. Qu'en pensez-vous? – Du bien.

2/4/2007 : courrier de Lucien Nosloj pour l'Ours Blanc, dont le calendrier d'édition trop chargé ne permet pas la publication.

26/4/2007 : à Paris, à l'occasion d'une table ronde sur Alexandre Zinoviev où j'ai été convié en tant qu'intervenant, je rencontre Anne Coldefy, toujours aussi charmante, qui me dit qu'elle a fini par lire Octobre russe et qu'elle n'est pas sûre de ne pas avoir envie de le publier... un jour.

25/7/2007 : nouveau mail de Nilda Fernandez, qui ne se remet décidément pas de ce que j'ai écrit de lui il y a 6 ans ! Sobrement intitulé As-tu trouvé un éditeur pour ta prose ou la poubelle d'internet te suffit-elle à déverser ta tartufferie autosatisfaite ?, il s'agit cette fois d'une compilation des passages où je cause de lui, parsemée de deux ou trois notations hispanisantes. Le pauvre ! Il m'a tout l'air de n'avoir plus rien à faire qu'à pister ses traces sur Internet.

9/10/2007 : la Révolution d'octobre fête ses 90 ans, moi je fais ma promo. Depuis sa mise en ligne sur mon site le 26 janvier 2006, Octobre russe a été téléchargé exactement 3620 fois (soit une moyenne de 172 par mois, en augmentation avec le temps). Le web magazine e-torpedo ayant eu la gentillesse d'en proposer également la version pdf à ses lecteurs, Bellaciao l'a reprise, et Google Books l'ayant accepté peu de temps après, Octobre russe a, à ce jour, allègrement passé le cap des 6000 téléchargements. Pas mal, pour un bouquin que les éditeurs sollicités pensaient incapable de trouver un public, non ?
Suite à ce petit texte auto-promotionnel envoyé à quelque 1200 contacts, le nombre de téléchargements augmente instantanément, et je reçois plusieurs mails encourageants – dont celui-ci, de Juan Asensio : Toutes mes félicitations ! Ceci dit, vous savez que téléchargement n'égale pas lecture, hélas… En tous les cas c'est du beau boulot : continuez à faire monter la sauce autour de votre manuscrit, un éditeur finira bien par s'en mordre les doigts. Amitiés. – et celui-ci de Polina Zinoviev : Cher Serge, votre Octobre est à féliciter ! Ayant goûté les délices amers du monde des livres, je comprends bien que chaque page lue est une larme rendue.

22/10/2007 : contre toute attente, les nombrils que j'ai froissés sans le vouloir semblent conspirer, en voulant plutôt l'empêcher, bien sûr, à la postérité d'Octobre russe. Après Nilda Fernandez, et sans doute inspirée par lui, c'est Hélène Roos, dans un mail du 7 octobre dernier que j'avais laissé inaperçu, qui s'étonne de mon mépris à l'égard de je ne sais qui, et menace ouvertement de jouer de ses relations pour éviter à mon livre de trouver un éditeur. Il n'a pas besoin de ça, pour sûr ! Cet acharnement me flatte cependant moins qu'il ne me scandalise et, puisqu'Hélène croit bon de nommer en particulier Anne Coldefy dans ses amis éditeurs qu'elle entend prévenir, j'envoie copie à cette dernière de la basse intimidation et de la réponse que j'y fais.

12/11/2007 : Nilda, le retour ! Une amie a récemment porté à ma connaissance une interview de lui parue le 19 août dernier dans Le Journal du Dimanche. Il y explique qu'il travaille ces jours-ci à une conversation avec Lénine, provisoirement intitulée Illitch et moi, dont il a eu l'inspiration en visitant le Mausolée... Je crois rêver : cette "conversation" ne lui aurait-elle pas, plus prosaïquement, été inspirée par ses visites répétées aux pages qui dans Octobre russe jouxtent cette description de lui qu'il a si mal avalée ? Je ne peux m'empêcher d'en être certain. Alors ? Amnésie volontaire ou réelle de la part du susceptible hidalgo, je me charge de lui rafraîchir la mémoire. Qu'on m'accuse d'aigreur à parler du fond de la tombe médiatique que je me creuse est une chose ! qu'on se réjouisse de m'y voir pourrir en est déjà une autre ! mais s'il faut aussi qu'on la pille en faisant mine de ne pas le savoir, ça finit par être pesant !
Réponse de Nilda quelques minutes plus tard : Ouais, bof... J'avais même pas lu ton truc en entier - N'en doutons pas...

Jeudi 27 novembre 2008 : par le biais d'Isabelle Dubois, attachée de presse qui avait sollicité ma lecture de Conquête du Désastre de FP Mény au printemps dernier peu avant la mort brutale de cet auteur, je propose aux éditions Sulliver ma vieille chronique toujours inédite.
J’aimerais faire éditer mon “Octobre russe”, cette chronique écrite en 2001 à la suite d’un voyage à Moscou. Vous l’avez peut-être lue, puisque je l’ai mise en téléchargement libre en janvier 2006. Vous voyez, ce serait triplement une gageure de le publier à présent, puisqu’il a été déjà téléchargé 5509 fois (je peux fournir le détail des chiffres) sur mon seul site et environ 3000 fois de plus sur des e-magazines comme e-torpedo ou Bellaciao : non seulement c’est le livre d’un auteur sans notoriété, mais il n’est d’aucune actualité et a sans doute épuisé son lectorat. Seul intérêt pour un éditeur : l’avoir en catalogue en pariant sur mon aura future, et espérer que l’auteur parvienne à mobiliser à son achat rapide ses lecteurs fidèles, dont certains lui ont demandé de les prévenir si le livre venait à exister.

Mercredi 1er avril 2009 : en l'absence d'aucune réponse de sa part, j'ai relancé Isabelle Dubois. Elle me répond que mon mail de proposition lui a échappé et me demande de lui renvoyer. C'est fait.

17/4/2009 : de la part d'André Bonmort ce mail des éditions Sulliver : Isabelle nous a transmis votre proposition. Vous avez eu l’honnêteté d’énumérer les handicaps qui l’accompagnent et notre petite maison ne pourra malheureusement pas s’engager dans ce projet à vos côtés, malgré la qualité de votre écriture. Bien cordialement.

16/11/2009 : les commentaires aimables de plusieurs jeunes lecteurs inconnus de moi à propos d'Octobre russe m'incitent à vérifier les statistiques de téléchargement du texte. Malgré l'absence de tout mailing pub de ma part depuis deux ans, il est encore téléchargé 30 à 40 fois par mois, le total actuel depuis la mise en ligne dépassant les 5800 (pour mon seul site). Argumenter en ce sens permettrait peut-être de lui trouver enfin un éditeur ?

12/12/2009 : étant tombé sur une offre d'auto-édition un peu "transversale", j'envoie le pdf au comité de lecture de la Société des écrivains accompagné d'un mot ressemblant à ce que j'avais envoyé à Sulliver.

Jeudi 21 janvier 2010 : courrier et long contrat à parapher de la Société des écrivains qui accepte la publication… en l'échange de quelque 2200 € pour 500 exemplaires, dont seulement 200 tirés d'abord, à charge pour moi de les vendre avec leur aide (tu parles) et retirage "gratuit" des suivants selon la demande ! Et naturellement, ils gardent l'essentiel du pourcentage des ventes, proposant à peine mieux à l'auteur qu'un éditeur basique ! Ils appellent ça un contrat d'édition participative ! À ce tarif, j'édite et j'imprime moi-même. Je me demande d'ailleurs si ce n'est pas ce que je vais finir par faire.

14/2/2010 : consultation d'imprimeurs pour devis d'édition par moi-même. Si, comme je le crois, je peux équilibrer au final les dépenses d'impression et d'envoi de 250 exemplaires, je lancerai une souscription auprès de mon carnet de lecteurs réguliers. C'est bien le diable si 250 d'entre eux ne sont pas prêts à payer 18 € pour avoir cet enfin livre entre les mains !

18/2/2010 : je découvre ce matin les devis d'impression (à peine plus chers que la somme extravagante réclamée par la "participative" Société des écrivains). Et juste après, un mail de Clément Bulle, jeune auteur d'un roman paru l'an dernier et qui m'a contacté il y a un peu moins d'un mois pour me dire combien il avait été marqué par sa lecture de La Chair, me renvoie à ceci qu'il vient de mettre en ligne sur son blog.

On ne peut évidemment pas se réjouir qu’un livre tel qu’Octobre Russe n’ait finalement pas vu le jour sur « papier » ; et l’épopée de cette non-parution, Serge Rivron la relate avec la netteté et le détachement qui la rendent édifiante. Et pourtant ces chroniques (aussi partialement troussées qu'à la Villehardouin) ont trouvé leur destin ; et Internet, simple support, n’y aurait bien sûr rien fait n’eût été la valeur de ce texte, croyons-nous. Et croyons-nous avec force. Pourquoi ?
Voilà un carnet de voyage qui restera ; qui, bientôt dix ans après, n’a d’ailleurs pas pris une ride (et rien ne vieillit pourtant plus mal que ces «impressions de voyage» avec lesquelles, il est vrai, Octobre Russe a peu à voir). Si comme moi vous avez pris Rivron un peu à l’envers, et commencé par aimer son dernier livre, La Chair, pour différentes raisons parmi lesquelles on se contentera pudiquement ici d’évoquer les ruptures de registre, le sacré et les jeux de massacre privés servis tantôt saccadés, tantôt avec la douceur d’une oraison ; bref, l’âpreté, le velouté du style ; si comme moi, donc, cette lecture vous a marqué, et avez cependant tardé à lire Octobre Russe, pourtant accessible en un clic, alors ces lignes vous intéresseront peut-être.
Virgile prit Dante par la main et lui fit faire la visite que l'on sait. Dans l'interpellation constante du lecteur par Rivron, il y a ce souci de ne jamais le laisser tomber, de l'aiguiller dans cette galerie de portraits que le crayon acéré de l'auteur rend parfois un peu terrifiante. Un drôle de Virgile alors, mâtiné de Dard. Pour un drôle de journal. On voudrait citer des extraits et encore des extraits. Dire qu’il y en a pour tous les goûts, non parce que Rivron ratisserait large mais parce que tout simplement il ne se refuse pas grand chose et que la virulence du pamphlétaire lui va bien, par exemple, et même très bien lorsqu’il nous parle avec une vérité plus actuelle que jamais de ceux dont il nous a été donné de côtoyer les "héritiers", entre EHESS et Paris VIII. Un avant-goût cogneur d'Octobre Russe :
« Et mieux, tous ces universitaires enfiévrés, ceux d’ici, de Chine ou de chez nous, qui se sont pris le chou et nous ont bouffé le nôtre à exégétiser sur l’orthodoxie marxiste de telles sentences de bistrotière, qui se sont branlé le cigare sur la vertu prolétarienne ou la bonne acception de l’analyse de la loi de l’offre et de la demande rembroquée par l’effet de la lutte des classes sur la lecture malthusienne du matérialisme critique, les Barthes, les Foucault et consorts, vous tous que j’ai tant aimés et qui pourtant veniez de là, les dames pipi du trotskisme léninisme révolutionnaire, les folles du masque et de la plume dans le cul, les mètres à panser du clitoris perdu, les suppôts des défroques du Verbe, les porte-couffin de l’avenir radieux, les godemichés de la modernité en marche et sans vaseline, les serpents du charmeur, les associés des impasses de l’intelligence... »
Simple échantillon, qu’on se risque à prélever de la très fine description des rues moscovites dans laquelle ce passage s’insère. Car Rivron nous embarque aussi dans les méandres d’une ville qu’il sillonne, dans ses bars d'hôtels à femmes fardées, les coulisses de ses théâtres.
Ce diariste-là, d’être si peu à se regarder le nombril mais à ausculter dans ses moindres particularités les détails de la rue et de la ruse Russe, avec ce regard aigu de l’étranger aux aguets, aucun risque qu’il vous «tartât le godet », soyez sans crainte.
On ne se méfiera jamais assez des adjectifs, surtout lorsqu’il s’agit d’éloges et qu’ils vous viennent si facilement après une telle lecture ; de ces admirations un peu béates, et qui proférées publiquement donnent parfois le sentiment désagréable de la couverture tirée à soi dans les frimas de la toile. Certes. Alors ouvrez Octobre Russe. Vous verrez vite à qui vous avez à faire.

20/2/2010 : tous calculs faits, les dépenses d'impression s'équilibreraient si je parviens à vendre 220 bouquins à 13 € l'unité. Je lance donc officiellement et d'abord sur FaceBook une souscription auprès de mes lecteurs. On verra bien.

23/2/2010 : relancé au téléphone par la Société des écrivains, j'explique à un type (d'ailleurs très courtois et qui a l'air de croire à la démarche de sa Société) ce que je pense de leur contrat et ce que je suis en train de tenter pour éditer moi-même. Il a l'air de regretter que je n'aie pas accepté leur offre mirifique !
J'ai envoyé depuis samedi ma souscription à près de 2500 lecteurs. 42 réponses positives pour le moment… C'est pas gagné, même si je me dis qu'ayant eu la très mauvaise idée de lancer cette souscription au moment où les trois "zones" françaises étaient en vacances scolaires, la plupart des gens que j'espère n'ont sans doute pas lu mon mail. Bah ! J'ai fixé la date de clôture au 20 mars, je relancerai.

26/2/2010 : par mail, nouvelle proposition de la Société des écrivains, qui a décidément l'air d'y tenir : cette fois mon apport "participatif" serait ramené à 1980 €, avec paiement échelonné sur dix mois du "coût de maquette" (celle-là même que je suis capable de livrer à n'importe quel imprimeur).

26/3/2010 : la souscription est désormais close. Bilan : 102 souscripteurs pour 124 livres commandés. On est loin de ce que j'espérais pour assurer l'équilibre financier de l'opération, mais je me fais à présent un devoir d'honorer la confiance et l'intérêt de ces lecteurs-là : le livre, dont je finalise aujourd'hui la maquette, sera donc imprimé.
L'analyse de ce bilan tristounet après tant d'années d'écriture et quelques publications à la diffusion certes confidentielle mais honorablement "suivie" (si l'on peut en juger par les 2500 lecteurs qui mensuellement fréquentent mon site), est carrément désespérant lorsque je m'aperçois que, des 102 qui m'ont fait confiance, 20 à peine sont membres de ma famille ou de mes proches : si ceux-là avaient répondu présents, ils étaient à eux seuls plus de 200 ! Nul n'est prophète en son pays, dit l'adage biblique qui a foutrement raison. Et je pense aussi très fort à l'anathème d'André Gide : Familles, je vous hais !
Réconfortant pendant à cet atterrant constat : il s'est trouvé plus de 80 lecteurs que je n'ai jamais vus et certains, même, dont je ne connaissais pas l'existence, pour aimer assez mes textes qu'ils n'hésitent pas à m'envoyer de l'argent. De France métropolitaine pour la plupart, mais aussi de Corse et de La Réunion, de Suisse, de Belgique, d'Italie, d'USA, du Canada et même du Japon ! Beaucoup de moins de 35 ans. Certains, somme toute nombreux proportionnellement à ce peu de souscripteurs, s'étant aussi échinés à relayer auprès de leurs propres amis ou lecteurs mon appel à contribution.
Qu'à ces rares proches comme à ces plus nombreux lointains grâce soit rendue, puisqu'ils ont en ceci touché le cœur d'un homme – et c'est le mien, qui a toujours écrit par eux et qui ne les oubliera pas.

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