rubrique parking

Parking

SR, 20 juin 2004

Tetieu la raclée qu'elle lui a mis, la soubrette ! C'est une soubrette en patalons, faut dire… des patalons courts, qui y arrivent à la mi-mollets. Ça y fait comme une empreinte au-dessus du blanc de sa peau du bas de ses jambes.

François dans son sommeil ne comprend pas : une empreinte ? Une empreinte de quoi ? se tourne vers Francine :

Ben ! une empreinte de patalons courts !

Je ne comprends pas, t'es sûre ?

C'est dit, c'est qu'i'z'étaient sûrement noirs, ces patalons courts, et dans la nuit qui faisait sombre partout, ils se fondaient...

Mais on n'est pas du tout sûr qu'ils étaient noirs, c'est pas dit.

Ben en tout cas i'z'étaient sûrement foncés, sinon y z'auraient pas disparus dans la nuit ! Laisse-moi dormir.

Parce que donc, ils avaient disparus… François dans son sommeil ça l'inquiète, il divague : vous voulez dire qu'elle était nue finalement ? Il s'en veut, il entend :

Oh, l'autre eh ! tout de suite… mais non, mais si elle avait été nue on n'aurait pas vu la différence du blanc de sa peau du bas des jambes, en bas ! C'était des patalons courts, à mi-mollets, qui lui dessinaient bien nettement le blanc de sa peau en dessous dans le noir, le bas d'elle, en passant par les chevilles jusqu'aux orteils.

T'as entendu, Francine ?

Quoi ?

C'est pas toi, qui parle?... J'entends des trucs, une histoire de bas, de collants, je sais pas.

Je comprends pas.

Francine ne répond pas ou alors... Tant pis, je dis. Si t'es pas capable de concevoir qu'un invisible en haut peut révéler un visible en bas qui se voit de l'absence du premier, t'es qu'une tache !

On n'est pas sûr que ce soit elle qui ait dit ça, ni

elle avait des patalons courts qui se fondaient dans le noir, c'est pourtant pas sorcier !

Mais qui parle à François dans son sommeil ? Est-ce qu'il dort, seulement ? On n'est sûr que d'une chose, qu'elle lui a mis une sacrée branlée la soubrette en patalons courts, ces patalons qui font dans le noir se dessiner le clair de sa peau du bas des jambes sur le macadam bouillant du parking.

Ah ! bon, c'est dans un parking, en plus ?

C'est affolant.

"Francine !" gueule François dans son sommeil... mais on n'est pas sûr qu'elle l'entende. Elle geint un peu, hin, hun, ke...

T'es toujours avec ton histoire de collants, de parking ?

Comment elle sait ça, si tu n'as fait que rêver, que cette histoire se passe dans un parking en sous-sol où il fait chaud ? Réfléchis François, tu sais même pas si elle est là...

C'est vrai je suis pas sûr.

François essaye de toucher Francine, il sent sous sa main son ventre dur, ses seins petits, c'est bien elle, elle n'a pas l'air de dormir, elle dit :

Je vais te la faire bouffer ma culotte, moi, si t'arrêtes pas vite fait de me palper comme ça !

Francine dans le sommeil de François a toujours des répliques cinglantes.

Déchaînée qu'elle était la soubrette ! Elle upercutait tous azimuts, elle hésitait sous aucun angle. Le peu de la lumière des blocs de secours se reflétait sur son tablier blanc, ses bras et le bas de ses jambes nues, on entendait son souffle qui vous cognait aux tempes, et François dans son sommeil transpire, Francine on est dans la caverne, je t'assure Francine ! Il a mal partout et il cherche un truc à quoi se raccrocher, il agrippe Francine des cinq doigts à sa touffe.

Aïe ! Tu aimes ça, dis, les coups, les griffages, les mordures ?

Le peu de la lumière griffait son tablier et les parties nues de sa peau, et comme on voyait pas ses patalons, on croyait que son corps était tout disjoint, un pied ici, un autre là, un bras, un poing, aïe !

Pourquoi vous dites toujours "patalon" ? C'est bien "pantalon" le mot correct ? demande François dans son sommeil à Francine, qui n'est peut-être pas vraiment dans le sien. Réveille-toi Francine, on dit bien pAN-talon ?

Aïe ! Tu t'arrêtes tout de suite de me tirer les poils, on est dans un parking ici, on fait pas comme on veut !

François dans son sommeil est de moins en moins sûr qu'il est dans son sommeil. C'était bien sa voix, là, à l'instant, qui parlait ? Mais la voix de qui ? Et le parking, il est bien vrai, ou je rêve ?

On est dans la caverne, je dis, on est dans la caverne ! La soubrette cogne sans arrêt, le prend, le soulève, lui fait des tas de clés à vous péter les articulations, il la touche à côté de lui pour se rassurer, il la sent dure, tendue...

François, dans son sommeil, commence à se demander s'il ne serait pas plutôt dans celui de Francine. C'est qui d'abord, ces voix ?

Les pieds au bout des patalons claquent au bitume, s'appuient et d'une détente s'envolent rejoindre les poings, dessinent des courbes de peau pâle dans le noir du parking, dix pieds, cent poings, sans arrêt des épaules et des bras de partout poussent à la soubrette, des milliers d'ailes blanches.

François regarde hébété cette danse, il ne dort pas, on est dans la caverne, on est dans la caverne, il répète ça tout le temps. Il y a comme un chœur en écho et cette histoire de "patalons" qui lancine – d'abord les soubrettes n'ont jamais de pantalons courts ni longs sous leur tablier, François, ce serait infâme...

Tu es bien sûr qu'il s'agit d'une soubrette ? Qui elle cogne ? Pourquoi ? Et si c'était un boxeur, ta soubrette ? Une pieuvre ? Une anémone de mer ? Dans quelle caverne ? Qui parle ? D'où c'est parti ? François, Francine ? Qui ? Qué "patalon" ? Quand ? Quelle heure est-il ?

Quatre heures du mat. Tu es depuis une heure avachi dans ta bagnole au fond d'un parking. Francine de l'autre côté du levier de vitesse a dégrafé sa robe pour dormir plus à l'aise. Mal partout, putain d'soirée ! Un papillon s'affole dans le faisceau du plafonnier.

Rien d'autre ?

Ton pantalon te serre à l'n.