Un Bocal c'est un endroit et 3 jours pendant lesquels des auteurs, des metteurs en scène, des chorégraphes, photographes, plasticiens... et puis des comédiens, s'escriment à "produire des petites formes", comme on disait en parler artiste 2000. C'est à dire que les auteurs écrivent en quelques heures des sortes de pièces sous contraintes thématiques et stylistiques, que les autres ont 60 heures pour transformer en petits spectacles. A l'origine, personne n'est sensé avoir jamais travaillé avec personne, et à la fin personne ne veut plus jamais travailler avec personne qu'il a rencontré là.
L'idée de Bocal est née d'un certain Mustapha Arouar et d'un non moins certain Gérard Lépinois, à Vitry-sur-Seine à la fin des années 90. Il y en a eu une bonne trentaine en France et jusqu'en Algérie. J'ai participé à Lyon à 5 Bocals.
SR, 10 juin 2000
- La panse il la mitonne, Roger, aux petits oignons. Il la fait d'abord bien dégueuler, juter plutôt, trois quatre jours dans un grand seau, bien essorer, quand il l'en sort on dirait plus rien, la panse, flasque sac,
- Arrête ! On peut pas dire flasque sac, flasque sac ça passera pas, c'est imprononçable, Roger arrête !
- Roger arrête, il regarde la panse qu'il vient d'extraire du seau, flasque sac, c'est pourtant bien ça, on peut pas dire autre chose, quand on la voit comme ça c'est ce qui vient à l'évidence, flasque sac et puis c'est tout, y'a rien d'autre à dire même si c'est dur à dire, Sophie t'as qu'à t'entraîner, flasque-sac-flasque-sac-flasque-sac, la panse c'est ça qu'elle dit Virginie – et puis t'avais qu'à pas nous faire emménager dans cette triperie, moi depuis qu'on est là j'arrive pas à écrire autre chose que des trucs de boucherie, des tripes, des boyaux, des rognons, des intérieurs de ventre alors Roger il a bien fait dégorger sa panse et Virginie elle dit qu'il voit qu'elle ressemble à un flasque sac.
- C'est une question de tripes Roger, je joue avec mes tripes et je le sens pas ton flasque sac, toi t'écris des tripes mais c'est moi qui les joue alors fait pas chier, moi ce lieu il m'inspire, à deux pas du tramway c'est bien pratique et pi y'a pas d'escalier à monter, on voit les gens qui nous matent en passant en tramway, c'est essentiel pour moi ça d'être vue et pi ça t'excite bien, toi aussi, que j'aime ça, qu'ils me regardent les autres, tu me dis fais-leur voir tes fesses, fais-leur voir tes seins, pour te branler ça t'excite…
Arrête ça m’excite, elle pourrait dire ça Virginie juste après flasque sac, arrête, mais qu’est-ce que tu fais Sophie pas maintenant, je peux pas continuer si tu fais ça / ah tu vas voir / non justement je veux pas, pas maintenant Sophie, non / Sophie se déshabille, elle enlève son t-shirt, Virginie se / regarde-moi / non pas ça, ses deux seins exhibés le bout dur au regard des gens dans le tramway elle les colle à la vitre, regarde / arrête quand tu fais ça moi je peux plus écrire, flasque sac, flasque sac, j’en étais à flasque sac / pas toi, c’est Virginie qui parle c’est pas toi / oui mais c’est moi qui écris, je travestis / Sophie caresse ses seins, j’en étais à flasque sac, arrête / elle lui montre ses seins aplatis sur la vitre, Roger il promène sa quéquette sur la panse / Voilà ça y est c’est fait, j’écris n’importe quoi, sa quéquette molle sur le flasque sac de panse dégorgée / c’est ça qu’il te faut hein salaud pour qu’elle durcisse, qu’elle se tende, hein mon gros salaud dit Sophie en caressant son ventre nu à la vitrine de la triperie, bien chaude, je me sens bien chaude, je sens mon sang qui m’amène à des trucs, regarde, je plaque mes seins contre la vitre aux yeux des gens du tram qui passe, j’enlève ma ceinture maintenant, mon pantalon, t’aime ça / arrête Sophie putain je dis, flasque sac, flasque sac, putain ça m’excite vas-y fais voir, regarde, flasque sac, il l’entoure avec la peau du dedans étirée mise à nu, la peau du dedans de la panse, Sophie collée nue à la vitre les gens dehors le tram les yeux écarquillés Sophie de les imaginer la regarder, le désir, le désir dans les yeux sur son corps travesti par les yeux des gens se caresse, elle se palpe, elle halète, travestie par les yeux du dehors qui passe elle se penche elle écarte / regarde-moi Roger oui c’est ça maquille-toi, ton rouge à lèvres, beaucoup mets-en beaucoup, de rouge à lèvres cette fois, mets ta perruque et viens, Virginie / Sophie toute nue à la vitrine écarte les lèvres de son sexe offert à Virginie-Roger maintenant qui boit / Sophie c’est bon arrête fait Roger, Sophie dos et fesses au regard des gens du tram les yeux collés aux vitres / Sophie arrête c’est trop tard c’est fait j’ai joui dans la panse.
- Sur les vitres du tram la bouche collée des femmes a mis du rouge à lèvres à la place des hommes.